Le 7 janvier 2009, lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le président de la République, Nicolas Sarkozy, annonçait son intention de supprimer le juge d’instruction. La démarche avait l’avantage de la franchise.
De façon plus insidieuse, le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice, présenté en avril dernier en conseil des ministres, prévoit de renforcer considérablement les prérogatives du parquet, affaiblissant d’autant l’opportunité d’un recours à l’instruction.
En matière criminelle, d’une part, le texte projette de permettre au procureur de la République dirigeant une enquête préliminaire ou de flagrance d’avoir recours aux mesures d’investigation les plus intrusives pour l’ensemble des crimes, alors que cette possibilité ne lui est aujourd’hui offerte qu’en matière de criminalité organisée. Ainsi, le parquet pourra notamment autoriser l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances et communications en toutes matières, dès lors qu’il estime qu’un crime est susceptible d’avoir été commis.
En matière délictuelle, d’autre part, il est prévu d’abaisser de 5 à 3 ans le seuil de la peine encourue à partir duquel le procureur peut, à l’occasion d’une enquête préliminaire, ordonner une perquisition sans l’assentiment de la personne. En pratique, cette mesure particulièrement attentatoire à l’intimité de la vie privée serait donc permise pour la quasi-totalité des délits, même les plus banals comme le vol simple.
En outre, quelle que soit l’infraction, le parquet n’aura plus à se soucier des quelques garanties et garde-fous procéduraux de l’enquête préliminaire dès lors qu’il pourra désormais poursuivre ses investigations dans le cadre de la flagrance pendant une durée étendue à 16 jours, au lieu de 8 actuellement.
Dans ces conditions, compte tenu des moyens coercitifs étendus qu’on veut lui offrir, quelle serait la nécessité pour l’autorité de poursuite de requérir l’ouverture d’une information judiciaire ? Nous craignons de ne pas pouvoir l’identifier.
Au modèle inquisitoire permettant l’exercice des droits de la défense, cette réforme veut substituer un système accusatoire dépourvu de garanties pour les justiciables. À cet égard, le projet de loi ne prévoit aucunement de modifier les dispositions inabouties de l’article 77-2 du Code de procédure pénale qui, de jure et de facto, n’offrent aucun débat contradictoire satisfaisant entre le procureur et la défense. Dès lors, il faut se soucier du basculement inavoué auquel l’adoption de ce texte conduirait.
Car, s’il n’est pas ici question d’une dangereuse « suppression larvée du juge d’instruction », comme le dénonçaient en mars dernier les syndicats de magistrats, de quoi s’agit-il ? Instruisez-nous !